Les syntagmes prépositionnels prédicatifs : syntaxe, sémantique et lexique
Si les linguistes s'accordent en général pour soutenir que les prépositions expriment un rapport entre deux éléments, il n'y a pas de consensus quand il s’agit de préciser quels sont les termes qui entrent dans ce rapport.
D’une part, il est généralement admis que l’un des deux termes est un nom, ou une catégorie assimilable, appelé son « complément ». Sur cette base formelle stable, il existe des études abondantes consacrées à la complémentation de la préposition ; elles cherchent pour la plupart à déterminer les facteurs sémantiques et pragmatiques qui déterminent la rection d’une préposition particulière (Spang-Hanssen 1963, Schwarze 1981, Cervoni 1992, Berthonneau & Cadiot 1991, 1993, Vandeloise 1993, Kupferman 2001,Melis 2003, Leeman, 2008, etc.).
D’autre part, le second terme du rapport a inspiré des études sur diverses « fonctions » syntaxiques que peuvent assumer les syntagmes prépositionnels : en effet, le syntagme constitué par la préposition et le nom régi peut dépendre d’un nom ((la conversation, les invités) à table/dans le jardin), d’un verbe (les enfants (sont, restent, vont..) à table/dans le jardin ; les parents (envoient, laissent…) les enfants à table/dans le jardin), et même d’une phrase (les enfants ne doivent pas jouer à table/dans le jardin). La fonction n’est pas toujours claire : ainsi, dans certains cas, on peut se demander s'il s’agit d’un complément de lieu ou d’un attribut (voir, par exemple, quelques-unes desnombreuses études sur la valeur locative du SP : Eriksson 1980, Vandeloise 1986, Borillo 1998, etc.).
Malgré la divergence fonctionnelle « de surface », les SP ont souvent en commun la fonction « prédicative » à un certain niveau d’analyse, soit par paraphrase (les invités qui sont (à table/dans le jardin)), soit par implication (les parent (envoient, laissent…) les enfants à table/dans le jardin implique les enfants sont à table/dans le jardin, pendant le procès dans le cas de laisser, après le procès dans le cas d’envoyer).
Par ailleurs, la question sur la préposition et le syntagme prépositionnel est également un sujet qui intéresse la typologie, compte tenu du nombre et de la variété des prépositions utilisées dans diverses langues (cf. Hagège 1975, Lemaréchal 1989, Creissels 1995).
Ce workshop donnera l'occasion de débattre de la question et d('essayer) de dégager un nouveau consensus, sur un type particulier de SP : ceux qui apparaissent dans des phrases copulatives (Luc est en colère, Luc est à la bourre, Luc est dans l’embarras, etc.) assumant la fonction d’attribut (cf. Riegel 1985, De Gaulmyn & Rémi-Giraud 1991, Van Peteghem 1991). La position post-copule est en effet un lieu de confluence de différents types de SP, dont la morphosyntaxe a, certes, fait l’objet d’études, surtout du point de vue du « figement » (cf. pour le français, Danlos 1980, 1988, M. Gross 1996, G. Gross 1996, etc. ; pour l’anglais, Machonis 1988 ; pour le portugais, Marques-Ranchhod1988, Baptista 2000 ; pour l’italien, Vietri 1996 ; pour le grec, Moustaki 1990, etc.) ou du point de vue transformationnel (cf. Negroni-Peyre 1978, Meunier 1981, etc.), mais dont le discernement fonctionnel semble toujours d’actualité. Les études des SP dans des langues où une copule n’est pas obligatoire pour la constitution d’un énoncé minimal sont bienvenues.
Les exposés aborderont les questions suivantes :
(1) Quelles sont les différentes fonctions syntaxiques que peuvent avoir les SP ? (attribut/complément locatif post-copule correspondant respectivement à un complément de nom un adverbial locatif, etc.)
(2) Le SP est-il un argument ou un prédicat ? (attribut/complément locatif post-copule, quand il apparait en tant que second objet, est-il argument/prédicat/complément ?)
(3) Pourquoi telle préposition régit-elle tel N ? (caractère plus ou moins figé de la relation entre préposition et complément)
(4) L'attribut prépositionnel (localisation concrète) correspond-il à une localisation abstraite ?
(5) Les combinaisons des éléments constituant un SPsont souvent figées, formant une unité multi-mots (Multi Word Units (MWU)), mais quelle est la nature exacte du « figement » ? Quel est le mode de représentation le plus adapté ? Faut-il se limiter à des inventaires ?
(6) Les SP figés formellement mais sémantiquement compositionnels, doivent-ils être classés comme des expressions semi-figées ?
On ne pose pas de limitation au cadre théorique choisi mais on privilégie les études s’appuyant sur une solide base empirique.
Bibliographie
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